Tribune | Santé en Afrique

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    1 juillet 2025

En 2050, l’Afrique abritera près de 2,5 milliards d’habitants, soit un quart de la population mondiale. Ce bouleversement démographique majeur met les systèmes de santé sous tension extrême. Aujourd’hui déjà, plus de 50 % des Africains n’ont pas un accès régulier aux soins de base. Ce constat alarmant est bien connu. Ce qui l’est moins, c’est que cette fragilité sanitaire constitue aussi l’une des plus grandes opportunités économiques, entrepreneuriales et technologiques du continent

Loin d’un récit misérabiliste, l’Afrique s’affirme comme un laboratoire mondial d’innovation en santé. Face aux carences structurelles des systèmes publics, des acteurs privés, communautaires et technologiques inventent, chaque jour, des solutions agiles, résilientes et souvent frugales. Et ce mouvement, loin d’être marginal, est en train de redéfinir les modèles de santé du XXIe siècle.

Un marché en expansion, une demande structurelle

Les déterminants de cette dynamique sont clairs : une croissance démographique rapide, une urbanisation accélérée, l’émergence de classes moyennes exigeantes, mais aussi la montée en puissance du numérique mobile, de la télé-consultation aux applications de suivi thérapeutique. Ces facteurs font de la santé un secteur à très fort potentiel pour les investisseurs comme pour les entrepreneurs.

Mais cette expansion ne peut reposer uniquement sur des modèles importés. Elle appelle à des innovations enracinées dans les réalités africaines. L’Afrique n’a pas besoin d’une reproduction du système hospitalo-centré occidental. Elle a besoin d’un modèle hybride, où coexistent soins de proximité, technologies mobiles, prévention communautaire et services privés inclusifs, développés notamment autour de plans stratégiques de développement autour des priorités du continent, et notamment le cancer, l’obésité, l’hypertension, le diabète et les maladies cardiovasculaires.

Trois axes d’investissement pour un changement systémique

Les infrastructures de santé du futur

Les investissements dans des structures de diagnostics centralisées renforcées par l’IA, dans des cliniques privées, centres spécialisés et hôpitaux modulaires, dans des centres de santé primaire (fixes ou mobiles) connectés sont essentiels, notamment dans les zones secondaires, souvent oubliées des grands plans nationaux. Les partenariats public-privé (PPP) peuvent jouer un rôle clé pour allier efficacité de gestion et mission de service public.

La tech au service de la santé

La santé numérique connaît un essor spectaculaire : télémédecine, télé-consultation, formation à distance des cadres et personnels, applications de suivi de grossesse, bases de données médicales partagées, objets connectés de diagnostic à bas coût. Des startups comme mPharma (Ghana), Zipline (Rwanda) ou 54Gene (Nigeria) montrent que l’Afrique n’est pas seulement consommatrice de technologies, mais aussi créatrice de solutions adaptées.

La souveraineté pharmaceutique

La crise du Covid-19 l’a brutalement rappelé : la dépendance de l’Afrique en matière de médicaments est une vulnérabilité stratégique. Investir dans la production locale de médicaments génériques, le développement de chaînes logistiques fiables et la régulation de qualité est une priorité absolue. Plusieurs initiatives panafricaines, soutenues par la Banque africaine de développement ou l’Union africaine, vont dans ce sens, mais restent à amplifier.

Une révolution frugale, inclusive, souveraine

Ce qui distingue l’innovation en santé en Afrique, c’est sa capacité à conjuguer frugalité et efficacité, inclusion et rentabilité. Ce que l’on appelle ailleurs “santé connectée” ou “intelligence artificielle médicale” est ici adapté aux contextes locaux, aux contraintes d’accès à l’énergie, aux réseaux, à la rareté des professionnels de santé, aux langues locales. Cette dynamique n’est pas marginale : elle dessine un nouveau paradigme de santé, capable d’inspirer le monde entier.

Pour un pacte d’investissement engagé

Si les opportunités sont immenses, les défis le sont tout autant : fragmentation réglementaire, déficit de financement early stage, formation insuffisante des professionnels de santé, faiblesse des données sanitaires.

Pour y répondre, un pacte d’investissement est nécessaire, combinant : capital patient et fonds d’impact ; appui des bailleurs internationaux à l’entrepreneuriat local ; partenariats structurés avec les États pour sécuriser les cadres juridiques ; engagement des entreprises, notamment minières et du secteur des hydrocarbures, au titre de leur responsabilité sociétale (RSE) ; mobilisation de la diaspora africaine en tant qu’investisseurs, mentors et bâtisseurs de solutions.

Conclusion : soigner pour transformer

Investir dans la santé en Afrique, ce n’est pas seulement répondre à une urgence humanitaire ou sociale. C’est construire la souveraineté d’un continent, renforcer ses capacités de résilience, et préparer un avenir où l’Afrique ne sera plus consommatrice de solutions globales, mais moteur d’innovations systémiques.

Il est temps que les fonds d’investissement, les États, les entreprises et les institutions saisissent cette opportunité. Soigner l’Afrique, c’est aussi la préparer à soigner le monde.

 

Tribune publiée dans Afrimag, magazine de l’économie panafricaine.

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